Attaque de London:
Un devoir de mémoire et de solidarité
6 juin 2024, Québec - Il y a trois ans aujourd’hui, cinq membres de la famille Afzaal prenaient une marche dans leur quartier de London, en Ontario. Ces promenades ensemble en soirée étaient devenues une tradition familiale dans le contexte de la pandémie. Mais cette fois-ci, seul le plus jeune de la famille, un garçon de neuf ans, y survivrait.
Vers 20h40, alors que la famille patientait à un carrefour, elle a été ciblée et violemment percutée par un jeune homme déferlant à toute vitesse au volant de son camion. L’assaillant, un nationaliste blanc autoproclamé,
À l’occasion du troisième anniversaire de cet attentat terroriste et islamophobe, le Comité citoyen 29 janvier, je me souviens souhaite exprimer sa solidarité avec les proches de la famille Afzaal, la communauté musulmane de London et toutes les personnes endeuillées par la violence haineuse.
La ville de Québec ne connaît que trop bien la douleur qui afflige London depuis cette sinistre soirée. Le 29 janvier 2017, l’attentat perpétré contre la Grande mosquée de Québec a arraché la vie de six Québécois de confession musulmane. Depuis, notre comité citoyen se mobilise avec le Centre culturel islamique de Québec pour commémorer l’attentat, dans un devoir de mémoire, de solidarité mais également dans un cri du cœur pour la paix et le refus de céder à l’islamophobie, à la haine et à la violence.
Au cours de la dernière année, la communauté de London a dû revivre les horreurs de l’attentat à travers un éprouvant processus judiciaire, au terme duquel la juge Renée Pomerance a déterminé que l’attaque meurtrière contre la famille Afzaal constituait un acte de terrorisme, motivé par une idéologie nationaliste blanche — une première dans la justice canadienne.
Mais ce processus judiciaire a aussi été un douloureux rappel de tout ce qu’il reste à faire pour combattre l’islamophobie et le racisme.
« Ce procès ne concernait pas qu’un seul acte. C’était un rappel brutal des lignes de fracture profondément ancrées dans notre société, des stéréotypes qui peuvent dégénérer en violence. Nous devons affronter la haine, pas seulement la condamner ».
- Tabinda Bukhari, mère, belle-mère et grand-mère des victimes.
De nombreux groupes de la société civile travaillent sans relâche pour bâtir une société plus égalitaire, solidaire et inclusive. Cependant, la responsabilité ne peut reposer uniquement sur ces organisations. Les gouvernements, à tous les niveaux, doivent intensifier leurs efforts pour combattre au quotidien l'islamophohie, le racisme et la discrimination sous toutes ses formes, et s’opposer fermement à toute violence commise contre des civils, ici comme ailleurs.
Soulignons, à ce titre, une initiative à London qui saurait peut-être inspirer Québec: la commission scolaire de Thames Valley, l’une des plus grandes en Ontario, dévoilera aujourd’hui sa stratégie pédagogique de lutte contre l’islamophobie et le racisme.
Chacune de ces initiatives est d’autant plus essentielle dans un contexte marqué par une multiplication des actes islamophobes et antisémites, y compris des agressions où des femmes musulmanes se sont vues arracher leur hijab ou frappées alors qu’elles manifestaient en solidarité avec la Palestine.
Comme l’implore la Youth Coalition Combating Islamophobia, formée par les ami·es de la plus jeune victime de l’attaque de London: « Take Initiative, End Islamophobia ».
Je pense à
nos enfants
- Par Houmou Guiro
Je me souviens
29 janvier 2017
J’étais déjà au Canada
Je me souviens,
Assise sur mon canapé
Deux heures en moins
Un téléphone dans la main
Un partage sur FB
Un attentat à Québec.
Un attentat terroriste
Un attentat islamophobe
Choquée
Poignardée
Moment de panique
J’ai pensé à mes frères et soeurs
Pourquoi?
Incompréhension
Frustration
Des larmes et des cris
Je portais alors mon enfant
Et j’ai eu peur
Peur
Pour nos enfants
Je pense à nos enfants
Dois-je leur dire que le racisme systémique n’est toujours pas reconnu au Québec?
Et qu’à chaque fois, c’est la même histoire?
Que dois-je dire à ma fille?
Non ma fille
Tu ne seras pas enseignante
Malgré tes connaissances
Cela n’est pas suffisant
On te l’a dit
Ce qui compte
C’est ce que tu as dans la tête
et non ce que tu portes sur la tête
Je pense à nos enfants
Je suis décimée
C’est en janvier
Qu’on se souvient de l’islamophobie
Qu’en est-il de février à décembre?
Qu’en est il?
Je pense à nos enfants
Nous sommes fatigués de lutter
Qu’on nous dise de “vivre ensemble”
Nous vivons déjà ensemble
Et ce depuis très longtemps
Nous sommes là
Au supermarché
Dans la rue
A la mosquée
Et souvent
Invisible dans la société
Invisible dans la haute société
Invisible à la télé
Nous sommes compétents
Mais
y’a toujours un mais
Nos noms nous trahissent
On continue d’avancer
On continue d’espérer
Pour se retrouver
En bas de la société
C’est toujours la même histoire
Nous sommes visibles
Et pourtant si invisibles
Nous sommes là
et pourtant si effacés
Je ne pleure pas sur mon sort
Je regarde à gauche et à droite
et je fais mon constat
tout simplement
Ne me parlez pas des exceptions qui confirment la règle
car même en français,
elles existent
Elles sont rares comme la neige en été
Ou les canicules en hiver
Je pense à nos enfants
Est-ce utopique
De les penser Uni, visible?
Comme dans mes rêves
où ils vivent dans un monde de paix
Un monde juste
Un monde presque irréel
Je pense à nos enfants
ici et là
ici et ailleurs
Je pense à nos enfants en Palestine
Solidarité avec le peuple palestinien
Un cessez le feu est-ce trop demandé?
Solidarité
Comme on dit l’espoir fait vivre
Alors je garde espoir pour nos enfants.
En attendant
Nous n’avons pas le choix de lutter
Lutter pour nos droits
Lutter pour ce qu’on croit
Lutter pour être vu
Lutter pour être entendu
Nous faisons partie de la société
Peu importe ce qu’on dit de nous
Nous sommes là
tout simplement
Nous sommes là
Poème livré avec beaucoup de cœur par Houmou, lors de la cérémonie de commémoration du 29 janvier 2024.